« Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage ». Cette phrase prononcée il y a 63 ans est aujourd’hui plus vivante que jamais. Libres, nous le sommes. Mais encore pauvres. Dirigé tour à tour par feu Ahmed Sékou Touré, feu le général Lansana Conté, le capitaine Moussa Dadis Camara, le général Sékouba Konaté,  le professeur Alpha Condé, et depuis le 5 septembre dernier par le colonel Laye Mady,  notre pays est-il condamné à n’être riche que de ses potentialités ? Au regard de son histoire, l’on serait tenté de répondre par l’affirmative.

Les problèmes économiques et politiques, les lenteurs administratives et la corruption presque institutionnalisée chez nous restent des éléments de blocage énormes qui pèsent lourdement sur le facteur développement tant nécessaire à la mise en valeur de nos ressources humaines et minières. Notre pays n’a malheureusement pas encore eu la chance d’avoir des dirigeants visionnaires susceptibles de briser le cercle vicieux du mal développement. Au lendemain de notre indépendance, le règne de 26 ans du PDG, le Parti démocratique de Guinée, s’appuyant sur une dictature implacable n’a guère trouvé de solutions à l’essentiel des préoccupations des citoyens.

Le 3 avril 1984, avec l’arrivée des militaires au pouvoir et la chute de la dictature, une vague d’espoirs gagna tous les Guinéens. Quelques années plus tard, il fallait déchanter. A la mort de Lansana Conté, l’économie du pays est à terre. Les Guinéens qui peinent à avoir un plat par jour, importent pratiquement tout ce qu’ils consomment (notamment le riz, l’aliment de base), alors qu’ils habitent un vaste et généreux jardin. En plus d’être traversé par plusieurs grands fleuves de la sous –région –ce qui lui vaut son appellation de « château d’eau de l’Afrique » -, le pays est arrosé par des pluies abondantes six mois par an. On y trouve tout, ou presque : riz, tomate, oignons, café, cacao, bananes, melons…

Mais l’agriculture est morte, à l’image de tous les autres secteurs, passant de 90% du PNB du pays avant l’indépendance à moins de 20% depuis 1995. Signe le plus éloquent de cette régression, le pays n’est plus cité en exemple dans le secteur de la banane, alors qu’il était, avec 700.000 tonnes, et loin devant la Côte d’Ivoire, le premier exportateur du temps de l’Afrique – Occidentale française.

C’est ce pays économiquement meurtri qui assiste au retour de la Grande muette aux affaires après la disparition de Lansana Conté. Une transition militaire, qui Cahin caha sous la pression de la communauté internationale va conduire le pays aux premières élections véritablement ouvertes. Avec à la clé l’accession à la magistrature suprême du professeur Alpha Condé, opposant historique.

Espoirs déçus

Considéré comme le premier président Guinéen démon-cratiquement élu, Alpha Condé aura Grimpé sur deux mandats sans avoir pu combler les attentes du populo. Débarqué par la Grande Muette à  moins d’un an d’un troisième ou premier mandat controversé, il laisse en héritage un pays où tout est presque à reconstruire. Réconciliation nationale, refondation institutionnelle, fin de l’impunité, poursuite de la restructuration des FDS, assainissement économique, etc. En d’autres termes, un véritable travail d’Hercule attend les nouvelles autorités.

Le bilan d’Alpha Condé en termes de droits humains peut difficilement être considéré comme autre chose que désastreux, d’autant qu’il est arrivé au pouvoir en 2010 en étant porteur d’espoir pour le pays, pour la région. Ancien opposant démon-cratique qui avait lui-même été victime de Lansana Conté, qui avait souffert de ces régimes autoritaires et qui s’était lui-même défini comme le Nelson Mandela de l’Afrique de l’Ouest. Et au fur à mesure des années, on s’est rendu compte que son régime s’est de plus en plus rapproché malheureusement, de ceux de ses prédécesseurs.

Doté d’un potentiel à faire plus d’un envieux, soixante- trois ans après son accession à la pleine souveraineté, notre pays est vraiment à plaindre. Les fondamentaux sur lesquels  devraient s’appuyer la croissance économiques font terriblement défaut. La virtuelle croissance exprimée par des indicateurs manipulés à souhait, n’en en fait servi qu’à un système, qui a fini par avoir raison du locataire de Sékhoutoureya. La formidable manne financière générée par le secteur minier n’a guère profité à la majorité des Guinéens. Au regard de ce qui précède, il est loisible de conclure, qu’à partir du 5 septembre 2021, une nouvelle ère s’ouvre pour le pays à condition que l’on parte cette fois-ci d’un bond pied !

Tiani Camara